Scuba Drivers

Pour dresser le parcours de Scuba Drivers (1986-1989), rien de mieux que des articles de l’époque plein d’allant et d’excitation, où le soutien à la scène rock hexagonale était vécu comme un sacerdoce. En voici donc trois, rédigés à des périodes différentes de la vie du groupe périgourdin : le premier article est extrait du magazine toulousain Rock Press et rend compte de la naissance des Scuba ; le second a été publié dans la newsletter The Invaders (Bergerac) avant la sortie du 45 tours “I Don’t Need Spell / The Useless Runaway” ; le troisième est tiré d’Abus Dangereux (qu’on ne présente plus…) et interroge le groupe sur son mini-album Welcome To Hard Times.

Scuba Drivers Périgueux réédition
Quelques infos sont communes aux trois articles, mais lus dans la continuité, ils démontrent la trajectoire rapide du groupe de Périgueux. Il s’en dégage également un soutien indéniable envers les Scuba et une véritable passion pour son rock à la fois nerveux et alambiqué. Mais plus important encore, en cette fin des années 80, ces lignes passionnées soulignent l’émergence d’une scène rock hexagonale s’émancipant enfin de ses influences Anglosaxonnes (avec un grand A parce que symbolisant les mentors anglais, américains et australiens) dont Scuba Drivers était l’une des valeurs montantes… Ce qu’on peut effectivement comprendre lorsqu’on écoute les traces vinyliques du groupe.

Rock Press #10, juillet 1987.
“Il n’aura pas fallu plus de trois mois aux trois rescapés de la séparation des Pretty Boys (il y a juste un an) pour que l’ardente envie de rejouer ne laisse la place à la brûlante impatience de reconquérir les planches. Il suffisait simplement, mais cela en dépeint-il vraiment la difficulté, de trouver un chanteur dont la voix serait plus appropriée à ce rock sauvage — où l’on déniche pourtant de subtiles parties de guitare, habile contrepied de mélodies simples mais efficaces — qui deviendrait la marque de Scuba Drivers. Car tel est leur nom. Et s’il ne veut pas vraiment dire grand chose, il a au moins le mérite, tout autant que leur musique, de laisser la place à l’imagination.
Là où Pretty Boys n’étaient qu’un exercice de style (même si, et paradoxalement, c’est parmi les fans de ces derniers que le groupe a trouvé François, le chanteur-guitariste), le rock un tantinet déjanté des Scuba Drivers répond mieux au souci d’approcher d’un peu plus près la flamme qui les habite. Tout comme leur hommage aux sixties trop flagrant, les Boys correspondaient trop à la gentille image qui les qualifiait. Et même si les références au MC5 ou à Radio Birdman sont par trop faciles, le groupe de Périgueux a ce côté exaltant qui faisait autrefois défaut, et qui, naïvement, force l’adhésion. A l’énergie. Et grâce à cette touche de rébellion, cette farouche détermination proche de l’esprit originel du rock qui vient tant à manquer. Face à la fébrilité bien compréhensible de François, le martèlement de la rythmique, avec Philippe (basse) et Didier (batterie) fait l’effet d’une machine qui fonce, sans s’emballer pour autant, après une trop longue période de rodage. Le plus (il en faut forcément un, aussi discret puisse-t-il être, c’est en Manu qu’on le trouve. Qu’on y voit un guitariste bavard si l’on veut, mais là où d’ordinaire  le moindre solo de plus de 20 secondes me donnerait des poussées d’urticaire, ses chorus (ça frise parfois les 2-3 mn !) font plus que maintenir notre attention, allant jusqu’à nous attention, allant jusqu’à nous clouer dans un état de quasi-hypnose. On se prendrait même à rêver d’un petit Arthur Lee (non, pas d’humour vaseux !) dont les doigts voudraient battre un record de vitesse tout en essayant d’échapper au contrôle antidopage ! Tandis que le reste de l’individu affiche une exemplaire sérénité. Juste un atout en prime pour aiguiller la curiosité. Forts d’une nouvelle expérience de la scène, il y a fort à parier qu’ils se retrouveront bientôt gravés sur vinyle. Et cela risque de faire mal ! Gaffe !”

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The Invaders n°3, décembre 1988.
“(…) Après quelques mois de répètes, le combo lâchera une winter tape. Quatre prises directes qui voit la grosse machine s’ébranler, avec une évidence qui vous pète à la gueule : ces types-là ont l’énergie des grands jours du MC5 !!! De Detroit à Périgueux, on dirait bien que le pas est franchi. Pas de dispersions, juste des lignes mélodiques puissantes, propulsées jusqu’à des solos en jet d’adrénaline. Une première cassette où seront jetées les bases d’un jeu qui secoue en profondeur.
C’est par un dimanche de gris que les Scuba Drivers ouvriront pour de vilains Shoutless, un premier concert au Must, et la scène à réapprendre. A cette période, le groupe assaisonne ses sets de reprises notables, dont ce “First Time” des Boys, groupe qu’ils vénèrent et qu’ils m’auront donné l’occasion de découvrir. Bergerac aura au moins permis une chose, la rencontre du rythmique des Flying Badgers, Christian, et des Scuba Drivers, lors d’un concert dont seuls se souviennent les organisateurs. Une amitié qui se soldera par un travail commun au début de l’été tandis qu’entre-temps une seconde cassette aura fait son chemin et qu’on commencera à lire leur blaze dans divers fanzines de l’Hexagone. C’est au local de répète, sur un quatre pistes, que sortira leur troisième cassette, certainement ce qu’ils ont fait de plus abouti jusqu’à là, aider à la production par le Blaireau Volant.
La scène a fait son effet, la sauvagerie vitale des débuts reste le point fort, mais la maitrise du genre n’aura fait que les rapprocher un peu plus de la flamme. Le fond des morceaux s’est structuré et les parties de guitares concentrées ; quand à la rythmique, elle te plombe à bout de souffle. A part “Sweet Nothing”, reprise du Sonic’s Rendez-Vous, les têtes chercheuses, Philippe et Manu auront composés deux titres fabuleux : “Distress Town”, une charge lourde munie d’un refrain libérateur et d’une hargne vocale qui va parfaitement à François. Quant au 3eme du lot, “I Don’t Know”, on touche au classique pur ! Riffs courts et beat hypnotique, un break qui vient juste à temps pour amorcer un solo de quelques secondes, un must ! A ce point de l’affaire, il restait encore une étape à franchir, et c’est à l’automne 87, que les Scuba Drivers entreront au Chalet, pour mettre en boite un premier single. En fait, le choix de Kid (Pharaon) pour produire leur premier single et de Spliff Records comme label, s’est fait par la force des choses. Il se trouve qu’on s’attendait plutôt à les retrouver sur le label de Stéphane Saunier, Teenage Records, ce que d’ailleurs Rocky aurait aimé s’il ne s’était pas trouvé en Australie au moment où le groupe, pressé par Gougnaf Mouvement qui veut “Distress Town” pour sa compilation, pars au plus pressé. Même chose pour C. Sourice, sauf que lui était en tournée avec Les Thugs. Alors, c’est Kid (Pharaon) et Zara (Shifters) qui se mettront à pied d’œuvre pour produire 3 titres : “I Don’t Need Spell”, “The Useless Runaway” et “Distress Town”. Peut-être d’une façon plus pop que ne l’aurait fait le batteur des Etrangleurs. De toute manière, le résultat est tout à fait concluant et les groupes de Spliff sont aussi intéressants que ceux de Teenage. Dernière chose, un titre des Scuba est sur la compilation Closer, Eyes On You. — Hulk

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Abus Dangereux Face M, octobre-Novembre 1989
“(…) On avait déjà pu remarquer avec “I Don’t Need Spell” leur premier 45 tours sorti chez Spliff en 87, leur musique efficace et entrainante. Les deux titres (parfois) un peu timorés étaient bien appuyés par une pochette “décharge publique” des plus… esthétique ! Leurs excellentes dispositions furent vite confirmées par Gougnaf et Closer qui gravirent sur leur compilation respective (An Emotional Beat Of Fury et Eyes On You) une de leurs chansons. Deux titres que je qualifierais de punk-rock bien balancés, juste (!) de quoi nous faire patienter avant quelque chose de bien plus consistant : Welcome To Hard Times, un mini LP 6 titres sorti une fois de plus chez Spliff cet été (1989 – ndr).
(…) Le son qu’a concocté Zara (Shifters) est totalement irréprochable et colle à la musique tel un timbre poste à son enveloppe. Les compos sont quant à elles travaillées, achevées, pleine de cette énergie que l’on imagine inépuisable. “Ol’ Teenage Boredom” est l’avant garde massive de ce mini incontournable où se bousculent dans un chaos maitrisé, une batterie marteau piqueur et des six cordes sanglantes. Allant des délires guitares de “Call Up” à la (difficile) retenue de “Heaven Or Paradise”, des Scuba au mieux de leur forme vous balancent tel un crachat, de quoi user les sillons de votre disque jusqu’à celui-ci s’en trouve transpercé de part en part.
Paradoxalement, l’attitude scénique de ce groupe n’est pas aussi “destroy” que leur musique. Devant une fresque portant leur nom (réalisée par le même artiste qui signe la pochette, mais bien moins contestable que cette dernière), les Scuba sont plutôt figés : Didier derrière ses futs (on le comprend), Philippe caché par son abondante chevelure et sa basse, François et Patrice, plantés derrière leur micro, guitare en main. Ils semblent attendre tous l’étincelle qui, surgissant du public, mettra le feu aux poudres et les fera se déchaîner. Bizarre, bizarre, car bien que l’on reste un tant soit peu frustré devant cet état de furie latente, on n’en est pas moins absorbé par la puissance des morceaux, preuve qu’ils jouent aussi une musique profonde et intérieure.” — L’auditeur (ceci n’est que le début de l’article, suit une interview du groupe… pour la lire, télécharger le numéro d’Abus Dangereux sur le site de la Fanzinothèque).

 

Et si vous voulez une vrai biographie, un historique avec des dates, des lieux et des noms, un résumé précis de l’aventure rock Scuba Drivers… il y en a de quoi vous satisfaire dans l’anthologie CD sortie par Nineteen Something,  le livret 8 pages comprenant une story écrite par Patrick Foulhoux.

Scuba Drivers Périgueux réédition
Scuba Drivers en quintet.

*** Quelques extraits du press-book de Scuba Drivers ***

“If the Flamin’ Groovies had crawled outta Detroit instead of San Francisco then chances are that they mighta turned out like Scuba Drivers. Here’s yet another cool French band to keep your peeps on.” — Next Big Thing #23 (Scotland), à propos de la démo du groupe

The Buzzcocks and the Fuzztones unite ! The one supplies the hookline, the other the garage grunge. A classic exemple of up-tempo French rock’n’roll with taste, power and enthusiasm. This band Scuba Drivers really knows what they’re doing, all set to kill kill kill. Buzzing.” — HartBeat magazine (Allemagne), à propos du EP du groupe

MC5, Radio Birdman, DMZ sont leurs idoles. Fixed Up, Batmen, Thugs, City Kids, leurs grands frères. Deux titres puissants, énergiques, rock’nroll, quoi ! (…) une galette croustillante sous l’oreille qui laisse augurer de bien bonnes choses. Saint Rock’n’roll, protégez-les…” — Abus Dangereux Face E, février-mars 1988, à propos du EP

“(…) Les Scuba ont la précision mélodique et l’énergie punk, tout en sachant la bride (“(Don’t Answer) The Call-Up!”) et laisser divaguer les guitares. Dès “Ol’ Teenage Boredom”, vous serez saisi : tempo pied au plancher, guitares tourbillonnantes, voix impec, ça roule ! Tout est BON!” — Combo Madame #2 (supplément à Combo Magazine), 1990, à propos du LP Welcome To Hard Times

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Discographie Scuba Drivers :
– 45t « I Don’t Need Spell » / « The Useless Runaway » (Spliff Records, 1987)
– « Sweet Nothing » sur la compilation LP Eyes On You  (Closer Records / Teenage Records, 1987)
– « Distress Town » sur la compilation LP An Emotional Beat In A World Of Fury  (Gougnaf Mouvement, 1987)
– « Gonna Be Late » sur la compilation cassette La Nuit Noire (Rock Hardi, 1988)
– 12″ Welcome To Hard Times (Spliff Records, 1989)
– « Way To Long » sur la compilation LP/CD La Chair Humaine Ne Vaut Pas Cher (Go Get Organized, 1989)
– « First Time » sur le EP de Abus Dangereux Face N (Abus Dangereux, 1990)
– « I Don’t Know » sur la compilation LP Eye On You Volume 2 (Closer Records, 2013)
– Anthologie CD (Nineteen Something, 2016)

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