Shredded Ermines

S’il est des groupes attachants, les Shredded Ermines sont de ceux-là. Mélangeant allègrement les influences, ils sont prêts à tout pour explorer toutes les voies d’un rock toujours renouvelé. Et celle (la voix) de Stéphane « Hermlyn » Antoine n’y est pas pour rien. Se permettant de monter dans les aigus, il insuffle une réelle beauté à des mélodies déjà étincelantes. Mais si les Shred cisèlent, ils peuvent également abattre à grands coups de riffs, un public surpris par tant de présence scénique.

Leur histoire possède la singularité de commencer au hasard d’une galère, entre deux techniciens de théâtre, au festival d’Avignon en 1985. Stéphane et Jean-Luc montent un duo acoustique pour s’amuser : chant, guitare, caisse-claire, et la rue pour jouer. De retour dans leur ville de Nevers, ils décident de pousser plus loin l’aventure. Deux ans plus tard, la formation est au complet, avec Bruno Marande, bassiste venant d’un groupe country, et Eric Petit, guitariste hardeux ayant frotté du riff avec Little Jim des défunts Wild Child (groupe hard-stoogien ayant sorti deux excellents disques en 83 et 84 (*)). Avec un premier 45 tours explosif sur Teenager Records, le label de Stéphane « Rocky » Saunier, et un titre velvétien en diable pour le magazine Nineteen, les Shred confirment une approche qui tranche dans le paysage rock du moment.

Shredded Ermines

Fin 1988, alors que Jean-Luc a laissé ses baguettes à Thierry Oi, batteur de jazz, la piste est suffisamment brouillée pour que les Hermines Déchiquetées (nom gag, imprononçable, quelque part entre Velvet Underground et Psychedelic Furs) rentrent à nouveau en studio, avec Kid Pharaon à la production, pour graver six morceaux qui sortiront sur Closer sous le titre de Lonely Journey. L’émotion sera le maître-mot pour qualifier ce mini-LP où chaque intro se caractérise par un soin attentif. On pourrait alors évoquer du U2 moins héroïque, du Waterboys moins irlandais, ou Robyn Hitchcock au détour d’un couplet, mais l’alchimie qui résulte, entre évanescence et verre pilé (pas loin du cristal parfois), en font déjà un groupe inclassable. Si surprenant, que le groupe fout la trouille aux organisateurs, en cette période de punk alternatif où le public plébiscite le courant Béru ou la tendance Hardcore.

Soit, les Nivernais se disent prêts à ne pas en rester là, et usant de la célèbre « botte de Nevers », désorientent tout le monde avec Fall Souls, album enregistré à Bruxelles par Gilles Martin (producteur de Wire, Tuxedo Moon ou Minimal Compact). Un son plus froid, des guitares résolument heavy sur une bonne moitié des onze titres et des ambiances renforcées par le violon ou les claviers de Blaine Reninger. Autre étonnement, sur quelques titres, Stéphane passe de l’anglais au français avec la même approche vocale. Réussite, mais perplexité chez les critiques. Hélas, le disque (sorti en février 1990) sera le dernier du label Closer (**) et subit du même coup les aléas d’une distribution chaotique. Cela n’empêche pas les Shred de tourner avec les plus grands : Died Pretty, Bruce Joyner, Dr Feelgood, Barracudas, MC4, etc… De plus, Stéphane, également poète à ses heures et charmant garçon à la crinière brune, réalise toutes les pochettes.

En 1992, nos mousquetaires reviennent avec Aldila, un album conjuguant mélodies et sensibilité mêlées au chaos des guitares. En 13 titres (dont 4 en français et une nouvelle version de « Set Up », le titre gravé (sur le 45 tours bonus) de Nineteen), les Shredded Ermines poursuivent leur évolution, un mélange de poésie et de violence, une splendide voix à fleur de peau et des griffes de métal. Une volonté à ne pas s’enfermer dans un cliché et à se surprendre. L’album, enregistré en Angleterre, est sorti en mai 1992 et regorge de mille teintes : harmonica, banjo, guitare acoustique, mandoline, orgue, piano et chœurs viennent renforcer l’instrumentation basique. Il est temps que le public découvre plus largement (…) les Shredded Ermines, qui sur scène se révèlent nerveux et enivrants.

Max Well
(article publié dans le magazine Mediators n°1,
octobre 1992)

Shredded Ermines - photo Alain haye

Shredded Ermines – photo Alain haye

Complément d’information (2016).
Malgré cet article encourageant de Max Well (ancien rédacteur du fanzine Le Légume Du Jour et grand fan devant l’éternel des Shred), un des rares sur le groupe paru dans la presse nationale, le groupe splitte en 1994… Cette même année sort, sur le label Dancetaria, une compilation CD dénommé Erik, sorte de best of de 17 titres comme pour définitivement enterrer le groupe. Mais l’aventure dans le grand monde de la musique rock ne s’arrête pas là pour nos désormais anciennes ermines. Bruno Marande entre chez Blankass, Stéphane Hermlyn rejoint Ballu et Thierry Oi s’en va frapper chez Les Tambours du Bronx.
En 2012, Stéphane Hermyln sort son premier album solo Sebastiane chez Rock Paradise et en 2014, il est de l’aventure Hope avec un album édité chez Closer. Son site officiel : http://stephane-hermlyn.com

(*) Wild Child s’est reformé en 2015 et à sorti un nouvel album. facebook.
(**) Le label Closer a repris du service en 2013 et est plus actif que jamais. Site.

 

Discographie
7″ Eternal Days (Teenage records, 1987)
12″ Lonely Journey (Closer Records, 1987)
LP Fall Souls (Closer Records, 1988)
LP Aldila (Dancetaria, 1992)
CD Erik, Compilation (Dancetaria, 1994)

line-up :
Bruno Marande (Basse, Banjo, Guitares flamenco et acoustique)
Stéphane Hermlyn (Chant, Guitare, Mandoline, Piano, Orgue)
Eric Petit (Guitare)
Thierry Oï (Batterie)