Sloy

1988 : Béziers, Armand Gonzalez, passionné de musique new wave et post punk, travaille inlassablement la guitare et crée Undersloy. Ses influences sont : The Cure , Siouxsie And The Banshees ou encore Echo and the Bunnymen. Cette première mouture préfigure le Sloy à venir.

1990 : Après les divers changements de personnel réglementaires de tout groupe de lycée qui se respecte, Cyril Bilbeaud puis Virginie Peitavi sont recrutés pour jouer respectivement de la batterie et de la basse. Ils ne pratiquent alors aucun instrument. C’est au sein de ce qui vient de devenir Sloy qu’ils développeront leurs styles.

1991 : Le trio sèche les cours, répète intensivement, soit en groupe, soit en solo, enchaîne les petits boulots, se gave de concerts, s’implique dans une association musicale locale et écoute un maximum de disques. Cyril achète sa première batterie, Virginie sa première basse. Armand fournit les morceaux : du rock influencé new wave, tendance fusion. S’ensuit une première maquette, enregistrée avec les moyens du bord.

À cette époque, la référence absolue s’appelle Les Thugs : ce groupe-là, signé chez Sub Pop, donne l’impression qu’il est possible de se décomplexer, d’aller à l’étranger… de produire en France une musique rock qui inspire respect et passion outre-Manche et outre-Atlantique.

1992 : Exit les études. Les objectifs sont clairs, se donner les moyens de jouer, jouer, jouer, n’importe où et dans n’importe quelle condition. Ils achètent un camion qui tombe en panne avant d’avoir fait la moindre date. Loin d’être découragé et grâce à leur activisme local, le groupe obtient le soutien officieux des services culturels de la mairie de Béziers, d’où ils peuvent téléphoner, faxer et envoyer des démos. Un tremplin rock leur permet de financer 100 cassettes, L’Officiel du Rock de trouver des contacts. À la fin de l’été, le groupe réalise une nouvelle maquette dans un studio sétois. Les influences new wave commencent à s’estomper, leurs goûts deviennent bien plus rock voire même hip-hop : Gun Club, Cramps… Run DMC, De La Soul, Public Enemy…

Des petits boulots leurs permettent de financer un nouveau moteur pour le camion, l’achat d’une sono chant et grâce à un pressbook en grande partie falsifié, le premier concert de Sloy est programmé dans un bar sétois à l’automne. Quelques dates sont ensuite trouvées en Bretagne, dont deux dans le Off des Trans 92 de Rennes.

1993 : Sur la route. Environ 70 concerts sont enchaînés dans des bars, essentiellement dans l’Ouest et notamment en Bretagne. Le groupe vit plus ou moins dans le camion. Lassé du manque d’intérêt dans leur région et fatigué par les allers-retours de plus en plus fréquent, Sloy décide de quitter Béziers. Destination coup de cœur : Rennes. Son dynamisme, sa multitude de concerts, ses infrastructures ont tout pour séduire : de la rencontre avec les Skippies – groupe grunge-noise rennais du moment, avec qui ils se lient d’amitié, à la découverte de Jesus Lizard – groove froid, son très percussif, chanteur déjanté, nouvelle grosse claque, nouvelle influence majeure pour le son de Sloy. L’installation est définitive en octobre. C’est une période de répétitions plus intensives. Le style devient plus affirmé, un certain groove (issu d’influences hip-hop et fusion) sont plus marqués dans les compositions qui s’enrichissent également de samples.

1994 : Réalisant que le circuit des cafés-concerts est trop fermé et se sentant à présent capable d’assurer dans des clubs, le groupe décide d’arrêter progressivement les concerts dans les bars. Sloy vit entre les petits boulots rennais et les répétitions à la MJC du quartier de Cleunay.

Armand, déçu par les dernières expériences studio, se procure du matériel. Une démo, genèse des morceaux que l’on trouvera sur les disques, est enregistrée à la MJC. Les démarches qui s’en suivent sont ciblées : direction Angers pour la remettre en mains propres à Eric Sourice, guitariste-chanteur des Thugs, mais aussi activiste responsable du label indépendant Black&Noir. Virginie et Cyril en amènent une à Jean-Louis Brossard, le directeur de la programmation des Transmusicales, également programmateur de l’Ubu, mythique club rennais. Ils ont la ferme intention de ne pas sortir de son bureau tant qu’il n’aura pas écouté l’enregistrement. Convaincu, Jean-Louis Brossard leur propose la première partie de Theo Hakola à l’Ubu, le 4 avril. Sloy, préparé et remonté comme jamais, y fait un concert mémorable. Jean-Louis Brossard reprogramme le groupe un mois plus tard aux Folies Rennaises en ouverture d’un plateau Rosebud, le label rennais du moment. À l’issue de ce second concert, tout aussi décapant, Sloy se retrouve programmé aux Transmusicales 94 et Rosebud leur propose un contrat. Le retour de Black & Noir est également positif. La reconnaissance des Thugs est une forme d’aboutissement, mais Sloy choisit de travailler avec Alan Gac et son label Rosebud. Le quatre titres Fuse, premier disque de Sloy est enregistré en juillet-août par Nono Le Bouc chez Chris Mix à Chatelaudren (Côtes d’Armor), mixé en août au studio Ornano (Paris) et sort en septembre. Il bénéficie d’un excellent accueil.

Rosebud connecte le trio avec le tourneur Help Kane, la première « vraie » tournée se met en place.

Ce même mois, Lors du festival Rockland de Loudéac, Big René, manager des Skippies et booker chez Radical Production (l’agence de booking angevine du manager des Thugs), apprécie la prestation sloyesque et propose au groupe d’assurer la première partie de la tournée Dinosaur Jr en novembre. Les liens se resserrant, René, Les Thugs et leur manager Doudou, encouragent Sloy à envoyer une maquette à Steve Albini… parce que ça ne coûte rien d’essayer.

En décembre, la prestation du groupe – soutenu par un public rennais enthousiaste – sur la scène principale des Transmusicales, signale son entrée en fanfare dans le paysage hexagonal. Leur performance très remarquée leur permet d’être connus et reconnus par la scène rock française et la presse spécialisée.

1995 : Steve Albini accepte. Tout notre petit monde entre en studio en février pour enregistrer le premier album. Travailler avec Steve Albini implique d’enregistrer l’album en six jours : il faut donc arriver au jour J avec des mises en place inébranlables. Les onze morceaux, pas un de plus, qui constitueront l’album, sont répétés sans relâche pendant des semaines.

En studio (le Black Box, près d’Angers), la glace est rapidement brisée avec Steve Albini et Plug est un coup de maître. L’atmosphère est pesante, étouffante, les rythmes épileptiques, les morceaux à la fois fascinants et effrayants, le son est aussi sec que puissant.

Suite à des différends, le groupe se sépare de Rosebud puis quitte Help / Kane pour Radical Production. Big René leur propose de travailler avec Les Productions du Fer, label rennais en pleine logique de développement, qui vient par ailleurs de signer en licence avec Roadrunner, label hollandais dirigé pour la France par Stéphane Saunier. Comme les Productions du Fer se prépare à sortir le nouvel album des Skippies : on reste entre amis.

Logiquement, René devient le manager de Sloy. Il sera un véritable quatrième membre du groupe. C’est lui qui leur présente, Tech, sonorisateur des Thugs, avec qui le courant passe immédiatement. A ne pas douter, c’est Tech qui leur permettra d’atteindre sur scène, une puissance et une précision qui feront l’unanimité.

Heureuse retombée du concert des Transmusicales, John Peel invite Sloy pour une de ses fameuses Sessions sur BBC One au mois de mars.

Le groupe profite de la logistique des Productions du Fer pour lancer son fanzine, Electric. Le but est de répondre globalement au courrier de plus en plus important et de créer un lien direct avec leurs fans.

L’album sort le 15 mai en France, Belgique et Hollande. Il bénéficie lui aussi d’un excellent accueil. Les dates s’enchaînent à un rythme effréné : une tournée commune est organisée avec les Skippies, dont l’album sort en au même moment. Shellac (le groupe de Steve Albini) invite Sloy à assurer sa première partie à Londres. Dans le public, PJ Harvey est impressionnée : elle les invite à se produire en première partie de son concert du Forum de Londres, puis sur ses dates françaises. Roadrunner UK décide alors de sortir Plug en Angleterre en novembre. Sloy tourne également avec Kepone dans toute l’Europe. « Pop » est devenu un véritable tube underground et plusieurs passages à la télévision, dont une prestation remarquée à Nulle Part Ailleurs sur Canal + viennent couronner le tout. Mais c’est avant tout la puissance scénique du trio qui met tout le monde d’accord : en concert, Sloy dégage une énergie, un groove froid et une tension qui étrillent tout sur leur passage.

1996 : Avec des prestations scéniques ravageuses, le public est toujours plus nombreux aux concerts et il n’est jamais déçu. Le nombre d’abonnés à Electric ne cesse pas non plus d’augmenter.

Le succès de Sloy est encore plus impressionnant en Belgique, où le single « Pop » » » est programmé en boucle sur toutes les radios nationales et où le groupe passe en tête d’affiche dans les festivals les plus importants. À la fin du printemps, de retour d’une tournée en Angleterre avec Ligament, le groupe rentre en studio pour l’enregistrement de Planet of Tubes. Toujours au Black Box, toujours avec Steve Albini et l’ingénieur du son Peter Deimel. La session se déroule cette fois-ci sur dix jours courant juin. Le résultat est un album qu’on oserait presque qualifier de pop : des gazouillis d’oiseaux, des riffs aguicheurs et des gimmicks imparables. Sans se départir du son lourd et des rythmiques tendues, Sloy explore des formes plus courtes et Planet of Tubes s’apparente à une collection de singles accrocheurs, nerveux et complètement barrés.

Côté logistique, le groupe a crée son propre label, Tubes Records. L’album sort en France et en Allemagne le 15 octobre, distribution PIAS.

Sloy se remet à tourner à un rythme soutenu en France, Belgique, Hollande et, à l’invitation des Girls vs. Boys, en Angleterre.

1997 : Un peu moins d’un an après la sortie de Planet of Tubes, le groupe annonce à René qu’il ne souhaite plus faire de dates. Le rythme effréné depuis la sortie de Fuse commence à jouer sur l’énergie de Sloy. Il s’autorise donc une pause et chacun mène sa vie de son côté. Armand et Virginie s’installent dans une vieille ferme dans les environs de Rennes. Le groupe y retape la grange pour la convertir en studio de répétition et d’enregistrement. Les travaux durent plusieurs mois. Sloy y enregistrera les maxis Electric Session 1 & 2 offerts uniquement aux abonnés d’Electric.

À la rentrée, le groupe est contacté par Alan Gac, à présent chez Barclay, pour participer à l’album de remix de Noir Désir One Trip One Noise. On leur propose, comme a une multitude d’autres groupes, de remixer un titre de leur choix. Les compilations ainsi obtenues seront soumises à Noir Désir sous forme de blind test.

Le trio décide de travailler sur « Les Écorchés » titres tiré de l’album Veuillez Rendre l’âme à Qui Elle Appartient. Leur remix est retenu et le groupe rentre à nouveau au Black Box cette fois-ci avec Iain Burgess aux manettes pour enregistrer la version définitive. Pour la petite histoire, Noir Désir, enchanté par le résultat, réarrangera le titre à la manière de Sloy pour sa tournée Des Visages, Des Figures.

1998 : Après Plug et Planet of Tubes, Armand a le sentiment d’avoir été au bout d’un certain style. Il ressent le besoin de chercher d’autres sons. Il achète du matériel, de nouvelles guitares… et il compose seul, chez lui, les titres qui composeront Electrelite. Ceux-ci intègrent clairement des influences cold-wave. Ils sont aussi plus lourds et plus tendus.

L’album est produit au printemps par Armand avec Peter Deimel au Black Box. La réalisation se déroule sur trois périodes : une de prises, deux de mixage. Electrelite sort le 18 septembre. Le son y est beaucoup plus travaillé que sur les deux premiers albums. Si c’est toujours l’intensité des ambiances qui est recherchée, il s’agit ici d’un travail centré sur des atmosphères plus denses et claustrophobes, où la profusion des arrangements contraste avec la sécheresse des deux premiers albums. C’est aussi un album concept sur le thème de la semence.

Le groupe repart en tournée en Belgique et France en fin d’année, ils ouvrent notamment pour Placebo sur leurs dates belges et françaises.

1999 : La tournée Electrelite se poursuit jusqu’en juillet. Du point de vue musical, le groupe a atteint un niveau impressionnant : extrêmement en place, c’est le pur power trio. Plus appliqué, il gagne en puissance ce qu’il a perdu en énergie brute. Le public est au rendez-vous : Sloy joue à guichet fermé dans les clubs. Malgré cela, les relations s’espacent de plus en plus le groupe ne partage plus les mêmes envies, chacun commence à vivre de son côté. Le dernier concert de Sloy a lieu le 12 juillet aux Vieilles Charrues. C’est un beau final. Le groupe annonce en septembre sa séparation à René, puis à ses fans par le biais du n° 10 d’Electric.

Discographie Sloy :
Fuse EP (Rosebud, 1994)
Plug (Roadrunner, 1995)
Pop EP (Roadrunner, 1995)
Planet Of Tubes (Tubes / PIAS, 1996)
Electrelite (Tubes / PIAS, 1998)
Electric Session 1 (Tubes, 1997)
Sloy Electric Session 2 (Tubes, 1999) avec Decheman.