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Raymonde et les Blancs Becs
Les champions du trashamuffin peuvent être également considérés comme le dernier groupe d’importance du « mouvement alternatif » originel. Revendicatifs en diable, ces redoutables écumeurs de planches développèrent, six années durant (90-96), une fusion originale propre à crever le mur du son, expérimentant toujours plus loin le bétonnage de la pulsion reggae, des rythmiques dévastatrices, des guitares irradiées et des éructations toastées. Voilà leur parcours.
1990 – Raymonde et les Blancs Becs
Non, il ne s’agit pas d’un célèbre orchestre de musette de Berrybouy, ni même du dernier cartoon de chez Disney, ni encore d’une bande dessinée pour adultes : les musiciens de cette organisation subversive, créée fin 1990, forment à eux seuls une nébuleuse du rock français de ces cinq dernières années. En effet, on retrouve là d’ex-membres de Beurk’s Band, Ludwig Von 88, P.P.I., Zig & Solex et quelques autres encore.
Horizons différents, expériences multiples, mais énergie intacte et intégrant et expérimentant sans cesse, fusionnant toutes les musiques de la rue (punk-rock / hardcore, rub-a-dub style / raggamuffin, rap), suivant une voie parallèle aux Negu Gorriak, Beurk’s Band ou autres Dirty District, ces touches-à-tout notoires ont concocté un son à la fois personnel et en perpétuel renouvellement, alchimie particulièrement torride sur scène, où les RBB ont pilonné sans répit ni pitié un public de plus en plus fanatisé. Rarement on aura vu la réputation d’un groupe encore sans disque, mais également sans concessions, se propager à une telle vitesse-éclair dans la mouvance underground, au rythme du tam-tam de brousse et du bouche-à-oreille. Chaude ambiance de fête radicale et impact de leurs concerts (déjà plus d’une cinquantaine, en écumant des squatts parisiens et hélvétiques jusqu’à l’Olympia et l’Elysée-Montmartre), image et visuels très forts (multiples chanteurs-agitateurs sur scène, intervention de toasters et de musiciens d’autres groupes, logo épidémique et inoubliable) : tout concourt à atomiser le moindre pékin présent.
1992 – premier album
Raymonde (basse, emblème), Vincent (batterie), Gondrax (guitare, chant, coups de gueule), Coquet (chant, alcoolémies mémorables), KK (chant, propagande), Twist (trompette, faux flegme), Mr Le Directeur (chant, sampling humain & percussions et débileries diverses, graphismes), entourés de leur sympathique équipe technique (DJ. Jean-Mi au son, Rodrigo au management), de leur gang du 95 Posse et de collaborateurs occasionnels (Daddy S. au toast, Milou au trombone, Géo aux claviers) ont été rejoints sur le disque par des membres des Wampas, Cadavres, Oigdts pour un final ragga drôlifique. Ensemble, ils sautent avec aisance d’un style à un autre tout au long de cet premier album, triturant et malaxant riffs et rythmes, pour finalement aligner 14 titres fougueux et cool en mariant skacore, raggapunk, humour phacochère, sampling culturel (Artaud, Dali, actus 1968, courts extraits de films) et thématique radicale. En effet, leurs paroles sont un véritable festival anti-autoritaire, anti-état, anti-exclusions, anti-oppressions, anti-raciste, anti-sexiste : esprit de révolte permanent, qu’à la différence de beaucoup d’autres, ils appliquent sur le terrain depuis longtemps (concerts de soutien, manifs, etc.).
Cet humanisme, cette intégrité qui les caractérisent, ainsi que la qualité des rapports humains qu’ils ont su développer avec leur entourage et leur public intensifient sans cesse leur aura, et je tiens pour certain qu’il faudra compter avec eux dans le futur proche, d’autant plus que ce disque n’est qu’un premier essai (avec même pas 2 ans d’existence, c’est très court comme temps de maturation), qu’ils travaillent d’arrache-pied sur de nouvelles compos, et vont continuer à tourner sans cesse. Donc tendez bien l’oreille et laissez-vous envahir par le RBB style !
“Il était attendu et il ne déçoit pas. Forcément, à la première écoute, on pense aux Ludwig ou à PPI (de part la présence de 2 ex) mais écoutez mieux et vous entendrez la différence. Il y a un côté plus reggae, ragga, ska. En plus, côté textes, sans être des tracts, il est question des flics, du métro, du racisme, des politiciens… bref des textes impliqués et pas chiants, avec un côté fun. Ça fait plaisir de voir qu’il y a encore des groupes pour dire ça et de cette façon. On pourrait rapprocher Raymonde et les Blancs Becs, plutôt que de groupes français, des groupes d’Euskadi ou de Barcelone pour le côté musical et le côté politique. Bonne Route.” — JPL, On A Faim! supplément n°2, mai 1992
L’album est produit par Cratozoères Associés (la propre structure du groupe) et édité en 1991 par Houlala (ex-Bondage) en CD et K7. Un an après, il sortira en vinyle grâce au label italien Banda Bonnot. Suite au rachat de Houlala/Bondage par Remanance, RBB s’en va fonder Crash Disques avec Marsu. A ce titre, le premier album du groupe ressort en 1992, en CD. C’est la première référence de Crash Disques.
1994 – Tout Le Monde à L’usine
Forts de ce premier opus largement promotionné par le bouche-à-oreille, la reconnaissance du circuit parallèle, et surtout une redoutable réputation d’écumeurs de planches (près de 150 concerts depuis leur création fin 90, dont le tiers à l’étranger : Suisse, Belgique, Italie, et toujours une chaude ambiance de fête radicale), les RBB ont chemin faisant resserré et renforcé les rangs : changement de chanteur, arrivée d’un deuxième guitariste, pour aboutir à l’équipe suivante : Vincent (batterie), Marco (guitare), KK (chant), Gondrax (guitare, chant), Mr Le Directeur (chant), Raymonde (basse) assistés des fameux Craoued et Steph au son et éclairages. Prêts à ravager le vieux monde, ces champions notoires du trashamuffin crèvent maintenant le mur du son avec 16 nouveaux brûlots revendicatifs en diable, véritable tornade salvatrice en ces temps de laminage social et de culture néo-pompidolienne. Quinze titres ont été enregistrés au Karma Studio (Angers) par Gilles Théolier et Pascal Ianigro auxquels s’ajoute une version live de « Zinzin » en bonus. Sur Tout Le Monde à L’Usine, on voit Mr Le Directeur se tailler la part belle des chants, mais aussi Gondrax et Raymonde lui disputer la place au toast et au rap (« Riposte », « ABCDaire”).
Alors que l’on nous chante les mérites de multiples clones sans âme de Bad Brains, Red Hot Chili Peppers, Fishbone, Urban Dance Squad ou Rage Against The Machine, voilà enfin une “fusion” véritable, possédant son individualité sonore, expérimentant toujours plus loin le mélange de la pulsion reggae, des guitares irradiées et des éructations meurtrières, le bétonnage des rythmiques dévastatrices et des vocaux toastés : tout sauf un ersatz, rien de préfabriqué ! D’autant plus que ce raz-de-marée d’énergie et de feeling positif s’accompagne d’un humour « phacochère » virulent, d’un rapport privilégié et immédiat avec le public ainsi que d’une implication sociale réelle, flagrante dans leurs textes comme dans le choix de leurs concerts (festivals de soutien : squats, SCALP, Réflexes, “Les Rockers Ont Du Cœur”, Secours Populaire Français, F.A., etc). Ce qui ne les a pas empêchés de porter la bonne parole dans la plupart des salles parisiennes : Olympia, Elysée-Montmartre, Mutualité, etc.
« Raymonde et les Blancs Becs sortent leur deuxième album, Tout le Monde à l’Usine. Ça fouette dur, ça fait du bruit, ça fissure les tympans, ça cogne sur les uniformes et les voisins, en un mot, c’est de la musique. C’est aussi le premier disque édité par Crash Disques, le nouveau label de Marsu, ci-devant fondateur de Bondage et pape du rock alternatif engagé à vocation sociale. C’est dire s’il sera fait bon usage des cents balles que vous allez investir dans Raymonde. » — Olivier Cyran, Charlie Hebdo 1994
A la suite de cet album, l’épidémie RBB poursuit sa propagation à vitesse éclair avec un arsenal d’armes de diffusion massive : déferlement de leur logo, tel le chiendent, sur vos murs, en tracts, autocollants, t-shirts, participation à la compilation de soutien au C.I.R.C. (Centre d’Information et de Recherche Cannabique) avec un remix unique des morceaux “La Concierge” et “ZinZin”, tournées en Hexagonie bien sûr, mais aussi à nouveau à l’étranger. Sans oublier un split CD Joyeux Noël 94 Avec Guy Betès partagés avec leurs amis Belges René Binamé Et Les Roues de Secours et Les Jeunes.
1996
Au début de l’année 1996, RBB offre un inédit (“Envoie Les Chier”) à la compilation CD Rhythms Against Racism II accompagnant le numéro 19 du fanzine On A Faim! Le titre est éloquent, comme un testament aux futures générations. Ce sera la dernière apparition du groupe. L’ouragan RBB s’arrête cette année là.
Texte constitué des deux communiqués de presse
Crash Disques rédigés par Marsu en 1992 et 1994,
d’extraits de chroniques glanés ça et là,
le tout remixé par Frank Frejnik
Discographie :
1992 – Raymonde et les blancs becs, 1992 (Cratozoères Associés, Houlala/Bondage) CD/K7/LP
1994 – Tout le Monde à L’Usine, 1994 (Cratozoère Associés, Crash Disques) CD / K7
1994 – Joyeux Noel 94 avec Guy Betes (Aredje / Crash Disques) CD single
Compilations :
1992 – Pogo Avec Les Loups (On A Faim!) : “La Concierge” (live Olympia 1991)
1992 – Un Peu (VISA) : “Zinzin Dub”
1993 – L’art Primitif (On A Faim) : “Paris Doit Brûler” (Live) + Footbollocks (Live)
1994 – Petite Musique de Chanvre (CIRC) : La Concierge/Zinzin (Remix)
1996 – Rhythms Against Racism II (On A Faim!) : “Envoie Les Chier”
1998 – Amnistia – Brisons Le Silence ! (Mokoka) : “Bombe Le Torse” (Live)
Des t-shirts de Raymonde et les Blancs Becs (entre autres) sont disponibles sur le Petit Goéland.