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DIRTY HANDS « Miles Away »
« Rouge, noir, bleu ? C’est quelle équipe, ça ?« , ironise Doumé (guitares) en 1993. Trois albums, trois couleurs : le rouge des briques anglaises (Lost in Heaven, 1990) ; le noir de l’exaspération (Letters for Kings, 1991) ; le bleu du fer rougi qu’on trempe dans l’eau glacée (Bleus, 1993).
Et ce live, Miles Away, qui paraît en 2015 : de quelle couleur est-il ?
Bleu,
comme ces rubans d’asphalte qui ont mené les Dirty Hands un peu partout en France et en Europe.
Noir,
comme les nuits passées à jouer dans quelques 400 salles et festivals.
Rouge,
comme l’incandescence de rencontres et de moments uniques : Olympia avec Noir Désir (fév. 93), Salle de la Cité avec la Mano (janv. 89), gueuleton de fin d’album au studio Le Chalet (sept. 91).
Mais ce disque, Miles Away : de quelle couleur est-il ?
Bleu,
comme ce qui laisse des traces : la fin brutale des Noodles (1989), le départ de Ted Niceley en plein enregistrement de Bleus (1993)
Noir,
comme la dissolution du groupe (1994)
Rouge,
comme la résurrection sonore de janvier 2015.
Sous les doigts de Jean-Paul Romann (sonoman historique du groupe), des enregistrements « live stéréo » reprennent vie. Captés en sortie de DAT 2 pistes entre les années 1989 et 1995, ces enregistrements sont légèrement masterisés par Jean-Paul, et soigneusement ordonnés par le groupe en un set idéal. Les treize titres ainsi obtenus restituent avec une acuité jouissive une énergie, un sens mélodique, et une intégrité dont rien ne laisse penser qu’elles aient pu s’éteindre jamais. Un concert à venir nous le confirmera-t-il bientôt ? Souhaitons-le ardemment !
Mais enfin, ce disque : de quelle couleur est-il ?
Miles Away est un live ; sa couleur est forcément blanc électrique. De celle du public, à quelques secondes du premier coup de guitare.
Ce live des Dirty Hands est une mine à ciel ouvert. Une carrière. L’entrée ne se fait pas aisément : la lumière blanche électrique qui baigne la carrière est saturée, tantôt aveuglante, tantôt rassurante ; les sons qui résonnent sont puissants, claquants, grinçants, et peuvent dérouter l’oreille non-avertie. Mais déjà une voix nous parvient soudain, fiévreuse et exaspérée : « Why don’t you join us ? Come here ! Come here ! » (Final Drift). De toute évidence, il se passe ici quelque chose.
Peu à peu, les yeux s’habituent à la lumière saturée, et distinguent nettement la scène ; l’oreille caresse maintenant avec une fébrilité mêlée de plaisir les aspérités de ce son si live, si rock. La musique qui sort de cette mine puise dans ces pierres, dans cette roche. « Tout est parti de nos mains », pourraient-ils dire. « Il a suffi de se baisser et de ramasser quelques cailloux. Et de les éclater. » Oui, les Dirty Hands jouent sur les cassures. A coups de frappe lourde sur des fûts profonds (Why, Sunny Days) ; à la force d’une cymbale ride cristalline qui vient user le tempo comme des gouttes d’eau déforment des rochers (Belief, Lost in Heaven). Autre camarade des « basses laborieuses », la Rickenbacker et son médiator claquant apportent aux morceaux une solide assise et une musicalité rassurante dans cet environnement sonore tranchant (Sonnic Mum, Up to Day).
Pourquoi ces cassures ? Parce que c’est de là que jaillissent les étincelles (Sonnic Mum). Parce que c’est ainsi que se révèlent les cristaux (When is the Future). Parce qu’il y a un plaisir indicible à voir des morceaux voler en éclats (Final Drift). Il n’y a rien de mécanique dans ce live. Rien d’industriel. Il y a l’énergie de ce qui se casse, de ce qui se fissure. Et il y a la beauté de ce qui se découvre. Les guitares participent largement de cette alchimie. Tournoyant dans nos oreilles comme sur les parois d’une grotte, les arpèges en son clean nous plongent dans le noir en même temps qu’ils nous apportent la lumière (Sonnic Mum, Final Drift). Saturées, syncopées, coupantes et ciselées, les guitares se posent au-devant de la scène comme le véritable catalyseur de cette œuvre au noir (Men, Bread and Games).
Mais qui est derrière tout cela ? Qui a pris dans ses mains le matériau roc ? Qui l’a éclaté ? Qui l’a fait fondre ? Il y a de l’humain dans ce live. Rien de mystique. D’ailleurs, la voix nous souffle « Remember God is a liar / No one talks to you » (Belief). Brûlante dès le premier titre (Behind Golden Eyes), la voix transporte ensuite sa fièvre sur chacun des morceaux. Prenant à son compte l’excellent Here is coming, elle emmène la chanson sur des hauteurs et précipite son cri dans le vide, avant de reprendre ses esprits d’une manière presque inquiétante. Dans « Free as she Wants », c’est la voix qui conduit. La chanson est une pépite, dont l’éclat brille encore aujourd’hui. Rappel qu’il y a toujours eu, et qu’il y aura toujours des cailloux à éclater.
Bien sûr, ces enregistrements pris en sortie de DAT ont leurs imperfections, qui sont comme les scories d’une belle alchimie. Précisément, dans un Grand Œuvre, c’est à partir de ces scories que se constitue l’élixir de longue vie. Ce Miles Away, qui (re)naît en 2015, a donc de beaux jours devant lui. » — Florent Beillard
« Miles Away » de DIRTY HANDS est disponible
en CD (Digisleeve) sur le shop Nineteen Something.
« Red, black, blue ? Hey, what’s that team, guys ? » Doumé (guitars) said ironically in 1993.
Three albums, three colours : red for the British bricks (Lost in Heaven, 1990), black of exasperation feelings, blue for the reddened iron when dipping into frozen water (Bleus, 1993).
And what about this live record, Miles away, which appeared in 1995 ? : which colour is it exactly ?
Blue,
as those asphalt trips that led The Dirty Hands to almost every places in France and through Europe ;
Black,
like those whole nignts spending time playing music in around four thousands shows and festivals ;
Red,
like all incandescent meetings of people and so many unic moments : the Olympia with Noir Désir (February 1993), the Salle de la Cité with La Mano Negra (January 1989), and the binge at the end of the album recording, at the sudio called Le Chalet (September 1991).
But this Miles away record : which colour is it ?
Blue
as everything that leaves tracks : the brutal ending of The Noodles (1989), Ted Niceley’s departure while recording Bleu (1993)
Black,
like the band’s dissolution (1994)
Red,
like the band’s sound resurection in January 2015.
Thanks to Jean-Paul Romann (historical « sonoman » of the band) ‘s handmade « fingerswork », live stereo recordings are renewed and back to like. Captured in a digital audio tape way and format between 1989 and 1995, these recordings are lightly masterised by Jean-Paul, and preciously and orderly listed by the band in an ideal set. So that the 13 resulted songs reproduce with a « kicky » acuteness a real energy, such a melodic meaning an such a total integrity we can’t even imagine they could have ever disappeared. One concertcoming soon will probably confirm all those things soon, won’t it ? Do fervently wish it/hope so !
But finally, which colour is this record ?
Miles away is a live record ; its colour is nothing but electtric white. (A)s the audience’s one a few seconds before the guitar starts resonnating on stage for first.