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Les Cadavres
Figures notoires du punk rock parisien du début des années 80, “Les Cadavres semblent éternels », dit-on. Jugez-en par vous-mêmes.
De 1979 à 1984, après une période bercée d’instabilité et de multiples changements de formation, parsemée de galères et de galettes — plusieurs 45 Tours ou EPs, un split-maxi avec Vatican, et des participations à de nombreuses compilations (voir leur discographie en bas de page) —, ils se séparèrent définitivement. Mais, comme on dit, « Si tu ne peux traverser la rivière, longe-la », Les Cadavres ressurgirent tels le Phénix en 1986. Vérole, l’illustrissime chanteur idole des punkettes, seul survivant de la formation originale, fut alors rejoint par une bande de décérébrés inconscients des risques encourus : Manevy (guitare), Jérome (basse) et Éric (batterie), tous trois anciens du groupe Charnier.
Les rois du swing — au sens pugilistique du terme — n’ont pas manqué, depuis leur premier gig début 1981, d’aligner quelques centaines de concerts (en France, mais également Suisse, Allemagne, Belgique) pour fuir l’urgence d’un ennui omniprésent, et surtout se créer un public, certes peu comparable en nombre et en style à celui de Serge Lama, mais régulier et fidèle, ainsi qu’une crédibilité en acier trempé. Gambadant allègrement dans les sphères de l’oubli, ils ont commis une série de vidéos déjantées ainsi qu’un premier LP tubesque : Existence Saine (1989).
Ce premier album, initialement édité par Forbidden Records, a montré que, sans renier leur addiction à un punk rock increvable et millésimé, Les Cadavres avaient su digérer leurs influences premières et devenir uniques dans un style pourtant balisé de tous côtés : rythmique mid-tempo, guitares croisées aux riffs à la fois mélodiques et incisifs, chœurs pop classiquement 77, et surtout chant hargneux et rauque en français plaqué sur des textes morbides et grinçants, oscillant entre nihilisme macabre, revendication radicale et humour caustique. Ils ont su créer de véritables standards en développant avec bonheur depuis le début l’art de la private-joke et du second degré, en particulier à travers des satires de la société de consommation ou des pastiches de grands classiques (tels « Siffler Sur la Colline », « Les Copains D’abord », « Y’a d’la joie »). Et pour ajouter un peu plus de punkitude au sujet qui n’en manque déjà pas, n’oublions pas de signaler qu‘Existence Saine est produit par Eric Débris et Charlie H., deux anciens Métal Urbain.
Un saut dans l’espace-temps plus loin, et voilà Le Bonheur C’est Simple Comme Un Coup de Fil (1991), deuxième album du groupe. Enregistré par Iain Burgess (producteur ricain de Mega City Four, Les Thugs, Big Black et bien d’autres) et autoproduit par le groupe via son propre label Basta!, le disque sera finalement exploité par Bondage / Houlala fin 1991, ouvrant ainsi une nouvelle ère faste pour Les Cadavres, notamment grâce à l’arrivée d’un second guitariste, Cyril. On y retrouve le cocktail-molotov décrit plus haut, avec quelques nuances : mur de guitares en avant et arrangements pop rapprochent ce disque de la vague punk-noisy anglo-saxonne, le chant restant toujours aussi subtilement féroce et pessimiste, pourfendant en masse faux-semblants et tristes vérités.
Au grand dam des braves gens, voilà maintenant qu’ils aggravent leur cas avec L’Art De Mourir (1993), sans doute le plus abouti de tous leurs enregistrements, avec une évolution vers des constructions plus variées ou plus élaborées, ainsi que de sensibles influences R’n’R, Hardcore et Noisy dans les riffs, tandis que les vocaux stressés et cyniques charcutent à qui mieux mieux une société où on aimerait ne pas vivre : la notre. Un album plus noir et macabre que le précédent, mais qui n’oublie pas de ruer dans les brancards avec furie : « pessimiste combattif” de rigueur !
Fidèles à leur tradition de brûleurs de planches (« notre meilleure promo et principale force reste la scène », répètent-ils), nos cinq comparses poursuivent leurs tournées durant les mois suivant la sortie de ce troisième album. Point d’orgue de cette série de concerts : le 10 avril 1993, au Bataclan en compagnie des fameux teutons Die Toten Hosen, ils enregistrent le fameux LIVE que tous attendent. Il sera commercialisé sous le nom de Paris Sous la Pluie en 1994 par Bond Age au format audio (CD et K7) et vidéo (VHS).
En surface, tout s’annonce radieux pour Les Cadavres. Mais en interne, les tensions montent. Déjà, Jérôme, le bassiste, ne participe pas au concert du Bataclan. Quelques mois plus tard, ce sont Eric (batterie) et Manevy (guitare) qui claquent la porte. Seul le premier sera remplacé (par Bertrand), Cyril restant l’unique gratteux. C’est sous cette formation que le groupe enregistre son dernier album, Autant En Emporte Le Sang (1996). L’accueil est mitigé. « La musique du groupe subit une évolution conséquente mais les avis sont partagés et plutôt antagonistes, certains méprisent ce disque car les changements sont trop radicaux à leurs goûts, ils auraient préféré un album dans la stricte lignée des précédents tandis que d’autres encensent ce nouvel enregistrement pour ses accents innovants et modernes », résume le site hxc-punkconnection. Né dans la douleur, cet ultime album marque le second split des Cadavres…
… qui renaissent de leurs cendres en 2000 (en quatuor, sans Manevy) pour célébrer les 20 piges du combo et accompagner, accessoirement, la sortie de la compilation Cocktail Lytique (2000), un CD regroupant des titres des premiers 45 tours, raretés, reprises (The Clash) et inédits. Le groupe donne quelques concerts, envisage l’enregistrement d’un album, mais rien ne se passe. A nouveau, Les Cadavres sont enterrés. Vérole monte le groupe electro-punk Darling Génocide, puis €uroshima tandis que Jérôme s’implique dans Bad Lieutnants.
Les Cadavres sont de retour en 2009 pour fêter leur… trentième anniversaire. Cette fois, bonne nouvelle, le gang débarque à cinq (Vérole, Jérôme, Manevy, Cyril et Bertrand). Autre bonne nouvelle, des rééditions des albums Existence Saine et Le Bonheur… sont annoncés sur Crash Disques. Le groupe reprend la route et donne plusieurs concerts à Paris, en province et même en Suisse. Celui de Nancy est enregistré et sort en CD en autoproduction sous le nom La Catastrophe N’est Plus A Venir… Elle Est Déjà Là… (2010). Si le groupe continue de donner des concerts, toujours pas de rééditions CD à l’horizon. Le projet s’enlise. Tout comme celui d’un nouvel album pourtant en partie enregistré. Les sessions seront néanmoins publiés en 2013 sous la forme de trois EP de 3 chansons chacun et sortis simultanément par trois label différents (Dirty Punk Records, Guerilla Asso et Slow Death) : Au Terminus De L’Histoire Acte 1, Acte 2 et Acte 3 (les neuf titres sont également disponibles sur un CD).
Depuis, quelques événements ont entretenu la mémoire des Cadavres. D’abord, un vinyle live, Ornano dans la Brume (2016) publié pour accompagner le livre de Vérole Voyage Au Bout De L’Ennui dans lequel il raconte ses souvenirs de concert avec Les Cadavres. Ensuite trois concerts donné par le chanteur accompagné par Till et Paul (Guerilla Poubelle), Fab (Justine) et Batbat (Diego Pallavas). Sans oublier des rééditions vinyles des albums Le Bonheur…, Existence Saine et L’Art de Mourir grâce à Dirty Punk Records.
En 2020, si nous n’avons toujours pas de nouvelles de Lantier, on en a des Cadavres. Ainsi, Archive De La Zone Mondiale diffuse le catalogue des Cadavres en digital (streaming et téléchargement) et réédite enfin, en coproduction avec Dirty Punk et Nineteen Something, les disques du groupe, en CD et en vinyle. Ce qui confirme ce que nous disions en début d’article : Les Cadavres semblent vraiment éternels.
Frank Frejnik
(d’après la bio 1993 des Cadavres signée Marsu,
le site officiel du groupe, Wikipédia, etc.)
Discographie :
1982 – Rien N’a Changé (split 12″ avec Vatican, FLVM)
1983 – Le Temps Passe, Les Souvenirs Restent (45 tours, New Wave), réédité en 1984 et 1985 sous le titre de Avez-Vous des Nouvelles De Lantier ?
1987 – Aujourd’hui Les Roses… (45 tours, New Wave)
1988 – Les Salauds Vont En Enfer (45 tours, Forbidden Records)
1989 – Existence Saine (LP, Forbidden Records)
1991 – Le Bonheur C’est Simple Comme Un Coup de Fil (CD/K7, Houlala)
1992 – Économise… Et Crève (K7 live)
1994 – L’Art De Mourir (CD/K7, Bondage Productions)
1994 – Paris Sous La Pluie (CD/K7, Bond Age)
1996 – Autant En Emporte Le Sang (CD/K7, Bond Age)
2000 – Cocktail Lytique (CD, Bond Age)
2010 – La Catastrophe N’est Plus A Venir… Elle Est Déjà Là... (CD, Existence Scène)
2013 – Au Terminus De L’Histoire (CD, Guerilla Asso, Dirty Punk, Slow Death)
2016 – Ornano Dans La Brume (LP Guerilla Asso, Slow Death)
Compilations (sélection) :
« Seul Dans Le Cimetière » sur 30 Tubes Pour L’Été (K7, 1983)
« Nucléaire Mon Ami » sur 1984 The 1st Sonic World War, 1984
« La Fin » sur 1984 The Second, 1985
« Rien à Dire / Rien à Faire » sur 1984 THE 3rd, 1987
« No Pasaran » sur La Chair Humaine Ne Vaut Pas Cher, 1989
« 22 » sur France Profonde n°3, 1990
« Stay Free » sur A Tribute To The Clash, 1991
« U.S.S.A. » sur Folklore Urbain, 1993
« Kleenex » sur Dites Le Avec Des Fleurs, 1994
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