Vanilla Blue « Sweetheart »

Sitôt le premier album apparu dans les bacs début 2022, Dark Cities (Twenty Something / Dangerhouse Skylab), Vanilla Blue exprimait déjà le désir d’enregistrer la suite, symptôme typique d’une imagination débordante doublée d’une envie pressante.
Aussitôt dit, aussitôt fait.

Entre les deux albums, le groupe a enrôlé un nouveau batteur, Franck « Coach » Berger (ex-Switch Stance, actuel Plainful Places), ce qui permet à Junior de lâcher les baguettes pour s’emparer de son instrument de prédilection, la guitare, aux côtés de celle d’Olivier, de la basse de Max et de Dan au chant. Les cinq membres du groupe composent, d’où cette faculté à pondre des chansons comme s’il en pleuvait.

Maitrise de la chanson
Sweetheart pourrait marcher sur les plates-bandes de Dark Cities vu le peu de temps qui les sépare, mais l’appréhension est vite dissipée avec le premier titre « Albuzy Wings », qui, de par sa charpente instrumentale et son ossature harmonique, renvoie immanquablement à Senseless Things, MC4 et Placebo à ses heures les plus dynamiques. On le pressentait déjà avec le premier album, cette fois, le versant britannique est bien prononcé avec une parfaite maitrise de la chanson ornée d’accroche-cœurs mélodiques. Dès ce premier titre, on réalise que Vanilla Blue va frapper encore plus fort, et ça se confirme avec la virulente « Pagan Crap ». Un morceau qui synthétise tous les courants d’influence qui irriguent le groupe, et notamment une puissante lame de fond rock’n’roll, largement mis en avant avec « Precious Friend » et son piano martelé façon Jerry Lee Lewis ou Little Richard.

À visage découvert
À partir du trou normand « Theme », le groupe change son fusil d’épaule et dévoile une certaine forme de sérénité, sans lâcher la bride, sans fléchir. L’extraordinaire « Out Of Time » en atteste. Sans le dire, la chanson a des prétentions qui dépassent largement le cadre statutaire de Vanilla Blue, pour déborder sur des champs beaucoup plus fréquentés par de grands noms du rock. Le genre de chanson qui pourrait permettre au groupe de voir les portes s’ouvrir en grand. « The Gift » confirme la tendance. Dan montre, une fois de plus, une belle maitrise vocale en se glissant dans les méandres de la chanson pour en capter les nuances. Il ne cherche jamais l’affrontement ou le passage en force, il préfère embellir l’harmonie, la mettre en valeur. Son timbre se démarque de la plupart de ses congénères, et contribue fortement à la signature du groupe. La section cuivre du refrain nous renverra immanquablement aux meilleurs moments des Saints, rendant, en toute humilité, un hommage au regretté Chris Bailey. On s’achemine doucement vers la fin de la première face avec le délicat « You Got To Live » qui, par certains aspects, fait le pont entre une forme de power pop britannique mid-60’s et le Clash. La section cuivre aux couleurs pastorales britanniques, nous met sur la piste d’une influence commune à tous les membres du groupe. Même si elle n’apparaît jamais à visage découvert. Cherchez bien, grattez, écoutez, elle surgira comme une évidence.

Guitares aériennes et saignantes
La face B ouvre le bal avec « Eternal Sunset », up-tempo mélodique, renforcé par des chœurs féminins à la B52’s. Le travail en profondeur sur chaque chanson ressort particulièrement sur « Again and Again » qui permet à Vanilla Blue de dévoiler son jeu, pour montrer combien son fond de commerce est une power pop punk aux innombrables facettes. « An Empty Seat » s’attache à poursuivre ce chemin. On ne manquera pas de déceler un papapapa en hommage à Éric Sourice, ex-chanteur des Thugs et co-fondateur du label Twenty Something. Les surprises s’enchainent. Pour « Panic », on trouve un invité de marque au chant, le king of punk en personne, Jerry A. Lang, des légendaires Poison Idea. Un véritable ouragan hardcore US catapulté en 1’02”. La suite ouvre encore une nouvelle piste avec « Half Of Us » et son riff tranchant. Sa structure plus expérimentale n’en fait pas moins une vraie bonne chanson. Le bijou pop-rock « Sweetheart » donne le titre à l’album. Le sujet est lourd, celui des violences domestiques et incestueuses. Elle est mue par une solide rythmique sur laquelle s’appuient les guitares aériennes et saignantes, des arrangements flirtant avec la new-wave, et une mélodie vocale à tirer les larmes tellement Dan excelle dans l’exercice. L’album se conclut par un ultime message, avec l’improbable « Darker Than Blue », clin d’œil à peine voilé au dark/dance/punk d’un Generation X early 80’s … dansons la fin !

Taillé pour la scène
Le groupe confirme les espoirs que laissait entrevoir le premier album. Son évolution est impressionnante d’un disque à l’autre. Mais pouvons-nous encore nous en étonner vu le CV de ses membres ? Et si on avait encore la moindre hésitation, sur le CD qui accompagne le vinyle de Sweetheart, on retrouve, en bonus, un live de leur tout premier concert qui retrace Dark Cities quasiment en intégralité, et qui démontre combien le groupe est taillé pour la scène.

Attestation musicale
Il arrive souvent que l’épreuve du deuxième album soit fatale. L’artiste jette toutes ses forces et son inspiration dans le premier et se retrouve parfois à sec quand vient l’heure de donner une suite. Il existe différentes façons de franchir l’obstacle. Une des plus ardues consiste à poursuivre dans la droite ligne du premier disque, tout en lui donnant plus de corps, en corrigeant ses petits défauts et en consolidant ses points forts. Pour cela, il faut être pourvu d’une solide expérience et d’un recul suffisant et il vaut toujours mieux être épaulé par un producteur expérimenté qui saura mettre en avant ses qualités. Alex Borel connaît suffisamment le groupe pour le mettre en valeur. Vanilla Blue possède cette expérience et en fait usage sur ce Sweetheart promis à une belle carrière. Vanilla Blue est grand et Sweetheart est la meilleure attestation musicale que le groupe puisse produire.

Patrick Foulhoux

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VANILLA BLUE
Sweetheart

Twenty Something, NS113LP (Co-prod avec Dangerhouse Skylab) — sortie le 31/01/2023
LP vinyle + CD inclus

Tracklisting :
A1. Albuzy wings
A2. Pagan crap
A3. My precious friends
A4. Theme
A5. Out of time
A6. The gift
A7.You got to live
B1. Eternal sunset
B2. Again and again
B3. An empty seat
B4. Panic (feat Jerry A)
B5. Half of us
B6. Sweetheart
B7. Darker than blue

Enregistré et produit entre le 09/07/22 et le 15/09/22 à Albuzy Family Studio, Warm Audio Studio, chabure Studio, Miserable Pyre Studio et Studio Cinocittà par Alexandre Borel.

Bonus au CD inclus avec le vinyle
15. Your prized idiot (live)
16. Writing a song (live)
17. Dark cities (live)
18. An easy game to play (live)
19. Sweetheart (live)
20. Harry (live)
21. Come on lover (live)
22. Call my name (live)
23. Dance with me (live)
24. Boring nights (live)

Enregistrement live : 18/03/2022 Le Toï Toï, Villeurbanne.
Captation : Jean Olivier Païssé. Mix : Alexandre Borel.

SORTIE OFFICIELLE LE 31 janvier 2023

« Pagan Crap », premier extrait clippé de Sweetheart.